- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

L’historien déclare : « Tout le monde s’entretuait »

Vendredi, lors du procès du chef de milice accusé Thomas Lubanga qui se déroule actuellement, l’historien Gérard Prunier a déclaré à la Cour que la violence qui a frappé la région d’Ituri de la République démocratique du Congo a largement dépassé le cadre économique et ethnique.

Répondant à une question du juge Elizabeth Odio Benito, Prunier a indiqué que le conflit, à l’origine simple affrontement économique, a rapidement pris une connotation ethnique.

« L’appartenance ethnique joue un très grand rôle dans les sociétés africaines », a expliqué l’historien, « et peut aisément faire l’objet de manipulation pour de multiples raisons ».

Prunier a indiqué que c’est au Rwanda qu’il avait assisté pour la première fois à un conflit ethnique devenu incontrôlable avec de nombreux exemples de Hutus ayant tué d’autres Hutus.

« Le tabou du meurtre est très fort dans la plupart des sociétés » a précisé Prunier à la Cour. « Mais lorsqu’un dirigeant donne le feu vert à son peuple pour tuer leur ennemi, pour tuer l’autre ethnie, le tabou est levé. En fin de compte, les gens tuent tellement qu’ils ne savent plus qui ils assassinent et le dirigeant perd le contrôle ».

Il a précisé que cela avait été le cas en Ituri en 2002 et 2003.

Le procureur Nicole Sampson a demandé si les groupes Lendu et Ntigi avaient été les seuls à attaquer les Hemas pendant cette période. L’Union des patriotes congolais, menée par Lubanga, a prétendu représenter les intérêts de l’ethnie Hema.

« Non », a rétorqué Prunier. « Tout le monde s’entretuait ».

Il a expliqué que la loyauté ethnique a également joué un rôle dans l’engagement de l’Ouganda dans le conflit. Prunier a indiqué que certains commandants de l’armée ougandaise pensaient avoir des liens ethniques avec les Hemas et que cela a contribué à leur volonté de les soutenir.

Il a précisé qu’en 1999, les Hemas ont également offert aux ougandais des parts dans le bétail élevé sur des terres volées aux Lendus. Ce qui a conduit à un « trafic de bétail » entre la République démocratique du Congo et l’Ouganda. Toutefois, l’alliance entre les Hemas et les Ougandais n’a pas fonctionné étant donné le manque de pouvoir central au sein de l’armée ougandaise.

« En différents points, le pouvoir à Kampala (Ouganda) n’avait aucune idée de ce que les officiers ougandais faisaient sur le terrain et parfois les commandants ougandais n’avaient aucune idée de ce que leurs soldats faisaient également ».

Le témoignage de Gérard Prunier a été suivi du réinterrogatoire par le procureur Manoj Sachdeva du témoin de mercredi. Ce témoin se représentera à la barre la semaine prochaine.