- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

La défense examine le conflit Hema-Lendu

Jeudi, les avocats de la défense de Thomas Lubanga ont interrogé l’historien Gérard Prunier à propos de l’historique du conflit Hema-Lendu et de son éventuelle influence sur les activités de Lubanga et de l’Union des patriotes congolais (UPC).

Gérard Prunier, qui possède un doctorat en histoire africaine de l’Université de Paris, a publié From Genocide to Continental War: The Congolese Crisis and Contemporary Africa (Du génocide à la guerre continentale : la crise congolaise et l’Afrique contemporaine) en janvier 2009.

Lubanga, qui appartient au groupe ethnique Hema, a dirigé la milice de l’UPC dans des combats contre l’ethnie Lendu dans la région d’Ituri de la République démocratique du Congo.

Le conflit opposant les ethnies Hema et Lendu relève d’un antagonisme de longue date, de l’avis de certains experts, et a été proposé comme étant le fondement historique des affrontements interethniques plus récents.

L’avocat de la défense, Jean-Marie Biju-Duval, a invité Gérard Prunier à expliquer sa revendication de 1973 dans laquelle il affirmait que les certificats de propriété Hema avaient un statut juridique discutable.

« En théorie », a indiqué Prunier à la Cour, « toutes les terres appartenaient à l’État belge qui revendiquait l’autorité sur l’ensemble de la République démocratique du Congo jusqu’au début des années 1960 ».

« Nous ne parlons pas de l’État belge », a toutefois rétorqué Biju-Duval. « Nous débattons du régime foncier établi sous Mobutu en 1973 ». Mobutu Sese Seko a été président de la République démocratique du Congo, alors dénommé Zaïre, entre 1965 et 1997.

Gérard Prunier a répondu qu’il était impossible d’examiner les évènements ayant eu lieu au Zaïre en 1973 sans évoquer l’État belge.

Il a ajouté que l’État belge avait privilégié les Hemas et que cela signifiait que, même sous Mobutu, ils étaient en mesure de tirer avantage de la police et des autres formes du pouvoir étatique afin de promouvoir leurs intérêts.

Il a précisé que, en 1999, les Hemas avaient utilisé le pouvoir militaire afin de « voler » les terres aux Lendus.

Après avoir indiqué que les Lendus surpassaient en nombre les Hemas et qu’il existait une hostilité de longue date à l’encontre des Hemas, Biju-Duval a demandé s’il était possible que ces derniers aient pu avoir le sentiment que leur existence était menacée.

« Je n’étais pas là-bas aussi il m’est impossible de le savoir », a répondu Prunier à la Cour. « Dès qu’un conflit est terminé, l’histoire est reconstruite. Ce que je peux préciser c’est qu’en général, lorsqu’un groupe est minoritaire, les personnes appartenant à cette minorité ont tendance à percevoir le groupe majoritaire comme étant plus puissant ».

Le témoignage de Gérard Prunier sera publié sur le site Web de la Cour pénale internationale qui propose de nombreux autres documents.

Jean-Marie Biju-Duval interrogera de nouveau Gérard Prunier ce vendredi.