Commentaire

13 Mars 2009

L’attention se porte sur Ntaganda: les témoignages du procès de Lubanga soulignent l’intérêt d’une arrestation

Par Wairagala Wakabi

Les jours de liberté de Bosco Ntaganda en République démocratique du Congo (RDC) ne seront comptés que si le président Joseph Kabila réagit à la pression internationale pour arrêter le chef de la milice.

Cette pression est en constante augmentation puisque le témoignage d’ex-enfants soldats continue de souligner le rôle primordial de Ntaganda au sein de la milice de Thomas Lubanga qui est actuellement jugé par la Cour internationale pénale à La Haye.

Lubanga passe en jugement depuis fin janvier et est accusé de conscription et d’utilisation d’enfants soldats au sein de sa milice en 2002 et 2003.

Ntaganda, qui a été inculpé par la CPI en août 2008 pour des crimes identiques, a été cité à de nombreuses reprises par des enfants soldats témoignant devant la Cour lors du procès de Lubanga. Pourtant, Ntaganda vit toujours libre dans l’est de la République démocratique du Congo.

Le gouvernement congolais semble réticent à le transférer à la CPI au moment de la finalisation de l’incorporation de sa milice dans l’armée nationale, malgré son mandat d’arrêt et son implication grandissante dans des crimes de guerre.

Bien que Ntaganda se soit séparé de son ancien commandant, le chef de milice Laurent Nkunda, actuellement en détention au Rwanda, il semble avoir été un des « cerveaux » des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) de Lubanga.

Ntaganda a été décrit comme ayant joué un rôle crucial dans la milice par au moins trois témoins. Certains d’entre eux ont sous-entendu qu’il avait fourni des armes aux combattants, donné les ordres d’attaquer les villages de l’ethnie Lendu et utilisé des enfants soldats comme gardes du corps.

Ces témoignages ont lieu alors que les appels pour le transfert de Ntaganda à la CPI se font pressants tant à l’échelle locale qu’à l’échelle mondiale.

La semaine dernière, un groupe d’organisations congolaises de défense des droits de l’homme s’est opposé aux plans d’intégration de Ntaganda et de ses combattants à l’armée nationale. Elles ont déclaré que la paix ne pourrait revenir dans le pays sans que la justice ne soit rendue concernant Ntaganda et ses troupes.

À La Haye, un ex-enfant soldat a témoigné que Ntaganda est la personne qui avait donné des ordres aux soldats qui l’avaient kidnappé, avec plusieurs autres enfants, et qu’il avait régulièrement inspecté leur camp d’entraînement.

Et lorsque les soldats ont pris part à un combat dans un village du nom de Lipri dans lequel leur jeune commandant avait été tué, Ntaganda leur avait envoyé des armes supplémentaires.

Cette même semaine, une fille, qui avait déclaré à la Cour avoir été enrôlée à l’âge de 13 ans, a indiqué que lorsque l’entraînement auquel elle avait participé avec d’autres recrues fut terminé, Ntaganda s’est présenté au camp et les a emmené pour attaquer Lipi, qu’elle a dépeint comme étant une communauté Lendu où les villageois n’étaient armés que d’arcs et de flèches.

Le témoin a précisé que Ntaganda commandait la bataille de Mongbwalu, une ville minière dans laquelle se sont tenus des combats qu’elle a qualifiés de violents.

Selon le témoin, après la prise de Mongbwalu, l’unité est restée sur place un certain temps. « Il y avait beaucoup d’argent et de mines d’or, aussi nous avons dû demeurer longtemps à Mongbwalu », a-t-elle déclaré.

Un autre témoin, dont le rôle dans la milice n’a pas été dévoilé mais qui semblait plus expérimenté puisqu’il avait témoigné avoir visité la résidence de Lubanga avec une moyenne de trois fois par semaine, a également impliqué Ntaganda.

Selon ce témoin, Ntaganda avait un accès direct aux quartiers de Lubanga et était escorté par des gardes du corps dont certains étaient âgés de 13 et 15 ans.

Le fait que Ntaganda ait été l’un des deux commandants supérieurs de la milice de Nkunda ne doit pas être oublié.

La milice a été accusée d’utiliser la violence sexuelle comme arme de guerre, enlevant des élèves dans les écoles pour les enrôler ensuite dans ses rangs.

De plus, en novembre 2008, les combattants de Nkunda ont été accusés d’avoir tué plus de 100 civils dans le village de Kiwanja. La milice a démenti en être l’auteur, déclarant que les morts étaient des combattants de la milice Mai-Mai .

L’échec de l’arrestation de Ntaganda et de son transfert à La Haye pourrait ressembler à une parodie de justice internationale.

Cela pourrait renforcer l’opposition à la CPI qui existe déjà en Ouganda et au Soudan concernant les mandats d’arrêts émis vis-à-vis des chefs rebelles ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur et du président soudanais Omar al-Bashir.

Paradoxalement, le gouvernement du président Kabila a donné son accord, par le passé, aux demandes de la CPI, transférant des personnes telles que Lubanga, qui avait abandonné la lutte pour se joindre au gouvernement, pratiquement sur le même mode que la négociation actuelle de Ntaganda.

Le Congo a également transféré Germain Katanga et Matthieu Ngudjolo Chui à la CPI, tous deux accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Mais Kabila, luttant pour pacifier son pays affaibli après une décennie de conflits, change d’avis quant à Ntaganda.

Le régime de Kabila a indiqué que le besoin de paix dans l’est du Congo, théâtre sanglant des regrettables agissements de Lubanga et Ntaganda, est d’une importance capitale pour l’arrestation et la remise de Ntaganda.

La réticence apparente de Kabila à transférer Ntaganda, qui parcourt la région de la ville de Goma et qui rend visite régulièrement aux ministres de Kabila, peut être interprétée comme la volonté d’un président prêt à pactiser avec l’ennemi s’il s’agit du prix à payer pour obtenir la paix.

Malheureusement, l’impunité au Congo ne pourra être stoppée et la paix stabilisée tant ceux qui ont été victimes de violations flagrantes des droits de l’homme devront constater la libre circulation de l’auteur de ces crimes après des accords avec un gouvernement supposé les protéger.

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1 Comment

  1. Cher M. ou Chère Mme Bonnet,

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    Cordialement,

    Tracey

    Commentaire par Tracey Gurd — 27 Janvier 2010 @ 16:06