Résumé hebdomadaire

27 Février 2009

Procès de Lubanga, semaine 5: Les enfants soldats ordonnés de violer

Par Rachel Irwin

Un ancien enfant soldat a déclaré aux Procureurs cette semaine que les commandants dans la milice de l’accusé Thomas Lubanga avaient ordonné à leurs recrues de procéder à des viols.

“Avez-vous violé des filles?” a demandé le Procureur Manoj Sachdeva au témoin anonyme.

“Oui, j’ai violé une fois,” a répondu le témoin, expliquant que le viol avait eu lieu au cours d’une bataille contre les combattants ethniques lendus dans le village de Barriere, en Ituri.

Les parents de la fille et d’autres gens dans le village avaient vu le viol, et il a indiqué que ses supérieurs au sein de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) étaient aussi au courant.

“Tous les chefs militaires [de l’UPC] étaient au courant [du viol],” a-t-il dit. “Il n’y a pas eu de réaction de leur part.”

Les commandants ont ordonné aux soldats de prendre les filles “par la force,” a-t-il dit. “Ce qui voulait dire, les violer et les emmener là où nous vivions.”

Le témoin, qui parlait swahili, sa voix et son visage étant numériquement déformés pour la retransmission, est le troisième ancien enfant soldat à témoigner dans le procès contre Lubanga, ancien président de l’UPC.

Lubanga est accusé du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats définis comme combattants de moins de quinze ans, dans les conflits ethniques qui ont fait rage dans la région de l’Ituri, en République démocratique du Congo, RDC, en 2002 et 2003.

Le témoin a indiqué à la Cour que les soldats de l’UPC l’avaient enlevé au début de l’année 2003, alors qu’il était en deuxième année d’école secondaire. Il avait environ 13 ou 14 ans à l’époque, a-t-il dit.

Il a expliqué avoir vu les soldats approcher de son école et s’être enfui chez lui, mais les soldats l’y avaient suivi.

“[Les soldats] ont demandé à mes parents de ‘la fermer,’ [et ont dit que] s’il disaient quoi que ce soit, ils seraient tués,” a déclaré le témoin.

Sur le chemin vers le camp d’entraînement, a-t-il relaté, les soldats “chantaient des chants militaires et nous ont dit de ne pas avoir peur.”

“Aviez-vous peur?” a alors demandé Sachdeva.

“Oui, très peur,” a répondu le témoin. “…Le service militaire n’est pas quelque chose pour nous les enfants.”

Au sein du camp, les recrues apprenaient à tirer, nettoyer et démonter des armes, a-t-il dit. “La première fois que j’ai tiré …c’était tellement puissant que ça m’a fait basculer vers l’avant,” a-t-il dit.

Les recrues étaient frappées avec des bâtons si elles ne pouvaient pas faire les exercices d’entraînement ou si elles rataient une cible de tir, a ajouté le témoin.

Il a ensuite décrit un incident au cours duquel un de ses camarades de conscription avait été tué par balle pour avoir perdu son arme.

“Si vous commettiez une faute, un de vos amis proches vous tuait,” a-t-il dit, précisant que le garçon était “placé devant nous et tué” par une autre recrue.

Le viol était également encouragé dans le camp, a indiqué le témoin.

Certains des enfants s’entraînant à être soldats étaient des filles, et les commandants avaient dit aux jeunes recrues qu’ils pouvaient avoir des relations sexuelles avec ces filles.

“Ils ont dit à tout le monde, ‘Vous êtes libre de prendre n’importe laquelle des [filles] et de coucher avec elle,'” a déclaré le témoin.

“Avez-vous couché avec une fille?” a demandé Sachdeva.

“J’avais peur de coucher avec une fille [à l’époque], parce que je ne savais pas comment faire,” a répondu le témoin. Il a précisé que les filles dans les camps étaient environ du même âge que lui ou un peu plus âgées.

Le témoin a expliqué qu’après la fin de l’entraînement, il avait immédiatement été envoyé au village de Lipri pour combattre les Lendus.

Il avait d’abord eu peur, a-t-il dit, mais les commandants avaient promis aux soldats une vie meilleure après la guerre.

“[Ils ont dit] que Thomas Lubanga allait devenir président de la RDC [et] que nous aurions beaucoup de choses,” a-t-il dit.

Le témoin a indiqué qu’au cours de la bataille, il avait levé sa jambe par mégarde alors qu’il rampait sur le ventre. Une balle était alors venue “déchirer” son talon, a-t-il dit, nécessitant des point de suture à un hôpital proche.

Le témoin a expliqué qu’après le traitement de la blessure, il était retourné à Lipri et avait participé au pillage du village avec ses camarades soldats.

“Piller était notre salaire,” a-t-il dit, ajoutant que les soldats ne pouvaient garder que ce que les commandants ne voulaient pas.

La défense a ensuite interrogé le témoin sur le pillage, lors de la brève portion du contre-interrogatoire menée en session ouverte.

“[Votre] blessure ne vous a-t-elle pas empêché de … piller?” a demandé Jean-Marie Biju-Duval, l’un des avocats de Lubanga.

“Si vous ne pillez pas, c’est comme si vous ne faisiez rien [au combat],” a répondu le témoin. “Après avoir eu des points de suture, j’ai du … suivre les autres [et] pavoiser avec eux.”

Le témoin a ensuite déclaré qu’il avait fini par s’enfuir de l’UPC et trouvé de l’aide auprès d’une organisation humanitaire en Ituri. Il a alors réussi à terminer l’école secondaire et espère entrer à l’Université, a-t-il dit.

L’un des représentants pour les victimes du conflit auprès de la Cour a demandé au témoin s’il souffrait encore des conséquences physiques de sa blessure au pied.

“Oui,” a répondu l’ancien combattant. “Mais la plupart du temps lorsque je regarde cette blessure, cela me rappelle de très mauvais souvenirs … je regrette vraiment tout ce qui s’est passé pendant la guerre.”

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