- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Un deuxième ex-enfant soldat témoigne

Un ex-enfant soldat a déclaré aujourd’hui aux procureurs qu’il avait été enlevé à trois reprises par des soldats de la milice de Lubanga et qu’il avait été blessé au combat.

« Pendant une guerre, vous devez vous battre » a ajouté le témoin anonyme qui témoignait en swahili, sa voix et son visage étant numériquement déformés. Il a indiqué qu’il avait pris une balle dans la jambe pendant un combat avec des soldats ougandais en 2003. 

Il venait de terminer sa quatrième année de primaire et ce combat s’est produit lors de sa troisième conscription forcée dans l’Union des patriotes congolais (UPC), a-t-il précisé.

Il a été enlevé pour la première fois lors de sa troisième année de primaire en revenant à pied de l’école avec un groupe d’amis.

« Nous avons essayé de nous enfuir [mais] ils nous ont encerclé et il était impossible de s’échapper », a-t-il déclaré au procureur adjoint Fatou Bensouda.

Les soldats ont emmené le groupe dans un camp d’entraînement où les enfants ont dû « courir » et apprendre le maniement d’armes lourdes.

Lorsque Bensouda l’a interrogé à propos de l’âge des autres recrues, le témoin a répondu que c’était difficile à dire.

« Certains étaient plus grands que moi et j’étais plus grand que d’autres », a-t-il indiqué.

Après un mois environ, le témoin a réussi à s’échapper pendant qu’il effectuait une livraison pour des commandants. Il est retourné dans son village puis a repris l’école jusqu’à ce qu’il soit enlevé une deuxième fois.

Le témoin a précisé qu’il jouait au football avec plusieurs amis lorsque des soldats armés de l’UPC sont arrivés et ont exigé que les enfants les suivent.  Le groupe a été emmené dans un camp d’entraînement situé dans la ville de Bule où ils ont suivi une formation et reçu des armes.

Selon le témoin, le camp a été fréquemment visité par l’accusé, Thomas Lubanga, ainsi que par les autres principaux commandants, dont Bosco Ntaganda et Floribert Kisembo. Ntaganda est actuellement recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre.

Le témoin a indiqué qu’il a réussi à s’échapper de la milice “sur le chemin” menant à un combat contre l’ethnie Lendu.  Il a déclaré avoir donné son arme à un ami et être retourné dans son village où il a pu finir sa quatrième année de primaire.

Il a été enlevé une troisième fois lorsqu’il fut reconnu par certains soldats de l’UPC qui, ensuite, l’emmenèrent auprès d’un commandant.

« Ils m’ont enfermé dans [une] tranchée parce qu’ils m’accusaient d’être un traître au parti [UPC], a-t-il déclaré. « C’était pour me punir ».

Il a ajouté que la tranchée était en fait un trou très profond creusé dans le sol. Les soldats l’ont mis dans le trou puis l’ont recouvert d’une plaque métallique.

Il a ajouté y être resté pendant plus d’une semaine et être nourri une fois par jour.

Ensuite, une nouvelle arme lui a été fournie et il a été finalement envoyé à Bunia comme garde du corps dans la résidence de Lubanga.

« Quel type d’arme aviez-vous ? », lui a demandé Bensouda.

« [Un] SMG », a indiqué le témoin, désignant un pistolet mitrailleur par son sigle.

 « Les gardes du corps, qui présentaient une grande diversité d’âge, dormaient tous à l’extérieur de la maison.

Nous ne dormions pas réellement  parce que nous étions chargés de la sécurité », a ajouté le témoin. « Aussi, nous ne dormions pas vraiment ».

Lorsque le juge président Adrian Fulford lui a demandé s’il se sentait suffisamment à l’aise pour continuer son témoignage, le témoin lui a répondu qu’il s’agissait d’une « grande décision » pour lui que de se présenter devant la Cour.

« J’ai pris la décision de venir ici à cause de tout le mal qu’il [Lubanga] a fait », a-t-il poursuivi. « On dit que tout a un début et une fin. C’est ce que je voulais ajouter ».