Résumé hebdomadaire

20 Février 2009

Procès de Lubanga, semaine 4: L’Accusation se concentre sur des preuves vidéo

Par Rachel Irwin

Cette semaine, les Procureurs ont fait un usage intensif de preuves sous forme de vidéos montrant des enfants en uniforme militaire dans divers endroits aux côtés du chef de milice accusé Thomas Lubanga.

“Je les ai vus,” a déclaré un témoin anonyme au sujet des enfants montrés dans les vidéos. Le témoin était présent lors du tournage de la plupart des clips vidéo montrés à la Cour pénale internationale, CPI, à La Haye.

Cependant, afin de protéger son identité, son rôle lors des évènements enregistrés n’a pas été révélé. Le témoin s’est exprimé en français, sa voix et son visage étant numériquement déformés.

Dans un des clips, Lubanga se rend dans un camp d’entraînement militaire présumé dans la région de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC). Il apparaît entouré d’un important groupe de gens, dont un grand nombre semblent être de jeunes enfants.

“Les plus jeunes [recrues] avaient environ neuf ans,” a indiqué le témoin, après que la scène ait été montrée à l’audience.

Lubanga est accusé du recrutement, de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats de moins de quinze ans pour les faire combattre dans les conflits ethniques qui ont fait rage dans la région de l’Ituri en 2002 et 2003.

Il est l’ancien président du parti politique appelé l’Union des patriotes congolais (UPC) et de son aile militaire, les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).

Le témoin a indiqué que les nouvelles recrues montrées dans la vidéo étaient ceux habillés de vêtements civils et portant de longs bâtons, alors que les soldats plus expérimentés avaient des uniformes et des armes.

Dans un des clips, Lubanga conduit le groupe en chantant avant de se lancer dans un discours sur l’importance d’être courageux dans la bataille. “Ce type de travail est d’une grande importance,” déclare Lubanga à la foule. “Il peut impliquer des souffrances.”

Le témoin a également identifié Bosco Ntaganda dans la vidéo. Ntaganda était le chef d’état major adjoint des FLPC et est actuellement recherché par la CPI pour crimes de guerre.

Dans d’autres vidéos, l’Accusation a montré un gros plan où l’on voyait un gros insecte ramper sur l’épaule de quelqu’un. Zoomant en arrière, la caméra a montré qu’il s’agissait d’un petit garçon habillé d’un t-shirt vert et d’une casquette militaire.

Une autre vidéo montrait un groupe de soldats, identifiés comme gardes du corps de Lubanga, assis à l’arrière d’un camion. Au moins deux d’entre eux étaient des enfants.

D’autres clips vidéo montraient Lubanga habillé de longues robes bleu ciel – ou parfois d’un uniforme militaire – s’adressant à de grandes foules de gens sur l’importance de la mission de l’UPC.

Alors que les vidéos étaient montrées à l’audience, Lubanga regardait sur son écran d’ordinateur, mais enlevait souvent ses écouteurs.

A un certain moment dans la vidéo, Lubanga prend compte du grand nombre d’enfants autour de lui et indique à la foule, “nous sommes venus chez vous pour vous demander de nous aider à créer l’armée.”

Etant donné que l’Accusation soutient que l’UPC avait réclamé des donations financières, et souvent la contribution d’un enfant à son armée, le Procureur Olivia Struyven a interrogé le témoin sur ce point.

Ce dernier a expliqué que de l’argent avait été récolté auprès de quelques civils, mais pas tous, étant donné que la plupart étaient trop pauvres.

Interrogé sur la question de savoir si on demandait à certains d’entre eux de fournir “d’autres formes” d’assistance, faisant apparemment référence à un enfant, le témoin a répondu qu’il ne “pouvait pas savoir.”

L’Accusation a également présenté la version non éditée d’une interview que Lubanga avait donnée à un journaliste britannique non identifié. Dans l’interview, Lubanga prétend que c’est l’armée ougandaise qui “a armé quelques enfants” dans divers groupes de milice dans la région de l’Ituri, et non pas l’UPC.

Néanmoins, il a ensuite indiqué que “maintenant les gens disent que l’UPC a des enfants soldats.”

Plus tard dans la séquence, le journaliste britannique accompagne Lubanga à un grand regroupement à l’extérieur de Bunia.

Le journaliste filme un petit garçon en pantalon militaire avec une arme passée autour de l’épaule et indique devant la caméra qu’ “officiellement, l’UPC n’emploie pas d’enfants soldats.” Il estime ensuite que le soldat est âgé d’environ 11ou 12 ans.

Le même témoin non identifié a confirmé que tous les soldats qui figuraient dans le clip vidéo étaient de l’UPC.

Plus tôt au cours de sa déposition, le témoin a indiqué qu’il s’était rendu dans la résidence de Lubanga à Bunia à plusieurs occasions et que l’accusé avait de nombreux gardes du corps.

“Les plus jeunes avaient peut-être neuf ou dix ans,” a-t-il indiqué. “Les plus âgés étaient adultes.”

Lors du bref contre-interrogatoire en session ouverte, la Défense a interrogé le témoin sur un clip vidéo montrant un grand groupe d’enfants chantant pour Lubanga.

“Est-ce une chanson militaire ?” a demandé Jean-Marie Biju-Duval, l’un des avocats de Lubanga.

“Oui,” a répondu le témoin.

Les enfants dans la vidéo semblent participer à une célébration, accueillant Lubanga dans leur village, où l’accusé fait un discours sur le “sacrifice” réalisé par de nombreux soldats dans sa milice.

Notant que les enfants faisaient partie de la population “civile”, Biju-Duval a demandé s’ils avaient appris cette chanson avant cette journée. Le témoin a répondu que les enfants répétaient simplement des couplets chantés par un homme.

Faisant suite à la défense, Struyven a ensuite demandé au témoin s’il avait entendu un nom à la fin de la chanson.

“J’ai entendu [le nom] ‘Papa Toms,'” a répondu le témoin.

“Qui est Papa Toms?” a demandé Struyven.

“Le diminutif de Thomas Lubanga,” a répondu le témoin.

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