Résumé hebdomadaire

7 Février 2009

Procès de Lubanga, Semaine 2 : Témoignage du père d’un enfant soldat

Par Rachel Irwin

Un témoin du procès de l’inculpé Thomas Lubanga, chef de milice congolais, a déclaré cette semaine que son fils de 11 ans avait été contraint de rejoindre la milice de Lubanga et qu’il avait appris à manier des armes lourdes.

« Comment est-il possible qu’un enfant de 11 ans porte une arme [de quatre kilos] ? », a demandé le père du garçon aux procureurs de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye ?

Il a précisé que son fils avait été enlevé par des soldats alors qu’il rentrait de l’école.

Le témoignage de cet homme fait suite à celui de son fils qui est brusquement revenu sur ses déclarations la semaine dernière en cours d’interrogatoire, en laissant entendre qu’on lui avait indiqué les propos à tenir.

Le jeune homme était le principal témoin des procureurs de la CPI et son revirement a compromis le travail de l’accusation qui tente de prouver que Lubanga est responsable de la conscription et de l’utilisation d’enfants soldats dans la milice de son parti politique, l’Union des patriotes congolais (UPC).

Aux termes du droit international, les enfants soldats sont des combattants de moins de 15 ans. Lubanga est accusé de s’en être servi dans les conflits ethniques qui ont fait rage en 2002 et 2003 en Ituri (région de la République démocratique du Congo).

Le jeune homme a dû quitter la barre des témoins dans l’attente d’une enquête complémentaire.

Après ces débuts chaotiques, un autre témoin anonyme a déclaré aux procureurs que des jeunes filles ont également été kidnappées et contraintes par les commandants d’offrir des « services sexuels » dans les camps d’entraînement.

« J’entendais les cris des filles de mes propres oreilles », a indiqué le témoin, un soldat de la milice de Lubanga. « Il y avait une rangée de baraques pour les commandants [dans le camp d’entraînement] et on entendait les filles crier « non, je ne veux pas ».

Il a par ailleurs précisé que les filles servaient aussi d’aides domestiques et de gardes du corps pour les commandants, en révélant à la cour qu’il avait contribué à l’entraînement d’enfants soldats et qu’il les avait vus tirer au combat.

Le père de l’enfant soldat a déclaré mercredi à la cour qu’il avait également été soldat dans la milice de Lubanga et garde du corps personnel de l’accusé dans la ville de Bunia.

Il a indiqué n’avoir appris le kidnapping de son fils dans leur village fin 2002 que par la suite.

« Ce que je voulais faire avant tout, c’était tout quitter et voir mon fils ». « [Mais] j’étais le garde du corps de mon chef [Lubanga]. Comment aurais-je pu quitter mon chef pour voir mon enfant? C’était impossible ».

Le témoin a toutefois précisé qu’il avait quitté Bunia aux alentours de février 2003. C’est à cette époque qu’il a appris que son fils se trouvait dans un camp d’entraînement à Bule, ville de l’Ituri.

L’homme a vu son fils sur un marché voisin. Il était de sortie avec son capitaine et d’autres soldats.

« Quand il m’a vu, il s’est souvenu que chez lui, il était libre ».

Le témoin a fait savoir que son fils n’avait pas parlé de son entraînement militaire, mais qu’il avait accepté de rentrer avec lui à Bunia.

« Mon fils a repris ses études, mais il a été reconnu par d’autres soldats de la milice alors qu’il rendait visite à un proche et ils l’ont considéré comme un déserteur ».

« [Mon fils] est tombé dans une embuscade », a-t-il poursuivi. « Les soldats de l’UPC l’ont arrêté et battu. Il en porte encore une cicatrice sur son mollet ».

Le père a précisé à la Cour qu’il avait monnayé le retour de son fils.

Luc Walleyn, représentant des victimes de la CPI, a demandé au témoin quelles étaient les « conséquences » pour son fils d’avoir été enfant soldat.

Le père a déclaré que son garçon avait abandonné ses études et qu’il était plus entêté qu’avant. « C’est simple, c’est mon premier fils. Tous mes espoirs reposaient sur lui ».

« Je ne m’entends plus très bien avec mon fils », a signalé le père.

Lorsque Marc Desalliers, l’un des avocats de la défense de Lubanga, a essayé d’obtenir des détails en demandant au témoin de relater son premier contact avec des enquêteurs de la CPI, celui-ci a semblé confus, accusant Desalliers de le « tourmenter », sans répondre à la question.

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