- Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale - https://french.lubangatrial.org -

Témoignage du père d’un enfant soldat

Mardi, un témoin a indiqué à la Cour pénale internationale (CPI) que son fils avait été enlevé par des miliciens aux ordres de Lubanga alors qu’il rentrait de l’école et emmené dans un camp d’entraînement.

« J’étais très en colère…. Mon enfant n’avait que 11 ans », a-t-il déclaré au procureur Manoj Sachdeva. « C’est très dur d’être soldat », a-t-il affirmé, ajoutant que si son fils continuait, il « gâcherait sa vie ».

Le témoin a gardé l’anonymat, mais il a été indiqué qu’il s’agissait du père d’un enfant soldat qui s’est rétracté la semaine dernière sur son histoire d’enlèvement par la milice de Lubanga.

Le jeune homme n’a pas été autorisé à rester à la barre des témoins dans l’attente d’une enquête complémentaire.

Le père a précisé à la Cour qu’il avait lui-même été soldat dans la milice de Lubanga et qu’il travaillait dans la ville de Bunia (Ituri) en tant que garde du corps personnel du chef congolais lorsque son fils avait été enlevé dans son village en 2002.

Il a indiqué n’avoir appris le kidnapping de son fils que par la suite.

« Ce que je voulais faire avant tout, c’était tout quitter et voir mon fils », il a dit. « [Mais] j’étais le garde du corps de mon chef [Lubanga]. Comment aurais-je pu quitter mon chef pour voir mon enfant? C’était impossible ».

Le témoin a toutefois précisé qu’il avait quitté Bunia aux alentours de février 2003. C’est à cette époque qu’il a appris que son fils se trouvait dans un camp d’entraînement à Bule, ville de l’Ituri. L’homme a vu son fils sur un marché voisin. Il était de sortie avec son capitaine et d’autres soldats.

« Comment est-il possible qu’un enfant de 11 ans porte une arme [de quatre kilos] ? », a demandé le témoin. « Quand il m’a vu, il s’est souvenu que chez lui, il était libre ».

Le témoin a fait savoir que son fils n’avait pas parlé de son entraînement militaire, mais qu’il avait accepté de rentrer avec lui à Bunia.

« Mon fils est retourné sur les bancs de l’école mais il a été reconnu par d’autres soldats de la milice alors qu’il rendait visite à un proche et ils l’ont considéré comme un déserteur ».

« [Mon fils] est tombé dans une embuscade », a-t-il poursuivi. « Les soldats de l’UPC [Union des patriotes congolais] l’ont arrêté et battu. Il en porte encore une cicatrice sur son mollet ».

Le père a précisé à la Cour qu’il avait monnayé le retour de son fils.

Luc Walleyn, représentant des victimes de la CPI, a demandé au témoin quelles étaient les « conséquences » pour son fils d’avoir été enfant soldat.

Le témoin a répondu que celui-ci avait désormais abandonné ses études et qu’il était plus entêté qu’avant. « C’est simple, c’est mon premier fils. Tous mes espoirs reposaient sur lui ».

Lorsque Marc Desalliers, l’un des avocats de la défense de Lubanga, a proposé au témoin de relater son premier contact avec des enquêteurs de la CPI, il a semblé confus, accusant Desalliers de le « tourmenter », sans répondre à la question.

Avant la séance à huis clos, le témoin a déclaré n’avoir jamais parlé à son fils de ce dont il avait discuté avec les enquêteurs de la CPI.

« Je ne m’entends plus très bien avec mon fils », a signalé le père.