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4 Mars 2013

M. Lubanga souhaite que le président de la CPI ne soit pas impliqué dans le traitement de son appel

Par Wairagala Wakabi

Thomas Lubanga, le chef de milice congolais qui purge une peine de prison de 14 ans à la Cour pénale internationale (CPI), souhaite que le président de la Cour, le juge Sang-Hyun Song, ne soit pas impliqué dans le traitement par la Chambre de ses appels du verdict de sa culpabilité et de la sentence rendus.

Catherine Mabille, l’avocat de M. Lubanga, a soulevé dans son recours du 20 février 2013 deux motifs pour la récusation du juge Song. Elle a tout d’abord indiqué que le juge avait fait un certain nombre de déclarations publiques dans lesquels il semblait encourager la condamnation de M. Lubanga. L’avocat a ensuite précisé que le juge Song était le président du conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) pour la Corée et que l’UNICEF avait fait des présentations à la Cour aux fins des poursuites contre M. Lubanga.

Á ce titre, Mme Mabille a déclaré qu’il est probable que la situation actuelle entraînait un conflit d’intérêts manifeste dans lequel l’impartialité du juge Song pouvait être raisonnablement remise en cause.

La chambre de première instance de la CPI a déclaré, le 14 mars 2012, M. Lubanga coupable de recrutement, de conscription et d’utilisation d’enfants soldats lors d’un conflit armé qui a ravagé la région d’Ituri de la République démocratique du Congo. Il a commis les crimes en 2002 et 2003 lorsqu’il dirigeait la milice de l’l’Union des patriotes congolais (UPC). Il a été condamné à une peine de prison de 14 ans mais il ne purgera que huit années après déduction du temps passé dans le quartier pénitentiaire avant qu’il ne soit condamné.

D’après une demande déposée par la défense, le 13 novembre 2012, lors d’un évènement marquant le 10ème anniversaire de la création de la CPI, le juge Song a affirmé que le jugement Lubanga « a créé un précédent crucial dans la lutte contre l’impunité ». La défense a également cité une déclaration que le juge aurait faite le 10 décembre 2012, dans laquelle il faisait référence au « jugement décisif » prononcé à l’encontre de M. Lubanga.

Mme Mabille a déclaré que ces déclarations, qui ont été largement diffusées, démontraient que le juge Song a exprimé « des opinions qui, objectivement, pourraient nuire à l’impartialité exigée de la personne en question ». Selon l’avocat de la défense, « un observateur raisonnablement informé comprendra forcément à partir de ces déclarations que le juge Song soutient sans réserves les jugements contestés qu’il décrit comme étant des ‘‘précédents’’ cruciaux, plus précisément parce qu’ils imposent des sanctions pour les crimes instruits devant la Cour et, qu’en condamnant l’appelant, il met un terme à ‘‘l’impunité’’ de leurs auteurs ».

Mme Mabille a ajouté que ces déclarations indiquaient également que le juge Song était personnellement convaincu de l’existence des crimes retenus, de la culpabilité de M. Lubanga et, en général, du bien-fondé de la condamnation et de la peine prononcées.

Entretemps, la défense a également fait référence à un communiqué de presse daté du 14 mars 2012, dans lequel l’UNICEF déclare : « Á la suite de la décision marquante d’aujourd’hui, M. Lubanga est le premier chef de guerre à répondre de ses actes devant la justice internationale pour l’utilisation d’enfants comme armes de guerre ». Le communiqué ajoutait que des « milliers d’enfants, dont certains étaient âgés de sept ans, ont été recrutés et utilisés comme combattants ainsi que pour d’autres rôles tels que porteurs, cuisiniers et esclaves, quel que soit le camp ».

« Le fait que le juge Sang-Hyun Song occupe une haute fonction dans une organisation qui, en participant à la procédure, soutient les charges retenues à l’encontre de l’appelant et prenne des positions contraires à la défense de l’appelant établit l’existence d’un “intérêt” de la part du juge Sang-Hyun Song », a affirmé la défense dans sa demande.

La défense a cité l’article 41(1)(a) du Statut de Rome, qui prévoit que : « Un juge ne peut participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle son impartialité pourrait raisonnablement être mise en doute pour un motif quelconque ».

Les autres motifs de récusation d’un juge qui sont stipulés dans la règle 34(1)(d) ont été également cités par la défense. Ces derniers comprennent l’existence d’un intérêt personnel dans l’affaire, « notamment le fait d’être le conjoint, le père ou la mère de l’une des parties, ou d’avoir avec elle des liens familiaux, personnels ou professionnels étroits, ou une relation de subordination avec une des parties », ainsi que « l’expression par le canal des organes d’information, par des écrits ou par des actes publics, d’opinions qui risquent objectivement de contredire l’impartialité à laquelle la personne concernée est tenue ».

De plus, la défense a cité l’article 3(2) du Code d’éthique judiciaire, qui prévoit que les juges ne doivent exercer aucune activité qui pourrait être incompatible avec leurs fonctions judiciaires ou faire douter de leur indépendance ainsi que l’article 4(2) du même code : « Les juges évitent tout conflit d’intérêts, ainsi que les situations qui pourraient raisonnablement laisser conclure à l’existence d’un conflits d’intérêts ».

Les appels par M. Lubanga du verdict de sa culpabilité et de la sentence rendus ont été déposés confidentiellement en décembre dernier. Il est tenu de déposer, dans le courant de la dernière semaine de février, une réponse à la réponse de l’accusation aux mémoires d’appel. Le procureur de la Cour Fatou Bensouda a déposé une requête distincte demandant aux juges une hausse de la peine de prison de 14 ans.

Hormis le juge Song, quatre autres juges sont en charge des appels de M. Lubanga : Erkki Kourula (juge président), Sanji Mmasenono Monageng, Anita Usacka et Ekaterina Trendafilova.

 

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