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10 August 2012

Directives de la CPI sur les réparations à verser aux victimes des crimes de Lubanga

Par Taegin Stevenson

Cette semaine, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu sa décision établissant les principes et les procédures à appliquer en matière de réparations dans l’affaire de l’ancien chef de milice congolais Thomas Lubanga. En début d’année, cette même Chambre de première instance a déclaré Lubanga coupable de la conscription et l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et leur utilisation dans des conflits armés. Lubanga est la première personne à être condamnée pour crimes de guerre devant la CPI, et il s’agit la de la première décision de la Cour concernant des réparations.

Dans la décision de plus de 90 pages, les juges Adrian Fulford, Elisabeth Odio Benito et René Blattmann ont souligné l’importance de la réparation en droit pénal international. La réparation  « dépasse la notion de justice punitive, et se rapproche d’une solution plus inclusive, favorise la participation et reconnaît la nécessité de prévoir des recours efficaces pour les victimes. » Les réparations sont expressément mentionnées à l’article 75 du Statut de Rome, texte fondateur de la CPI, qui énumère la restitution, l’indemnisation et la réhabilitation comme formes de réparation. Les juges ont également souligné que les réparations à forte valeur symbolique, de prévention ou de transformation peuvent être appropriées.

Les juges ont souligné que les réparations doivent être appliquées d’une manière « large et souple » et exposé les principes à appliquer dans l’affaire Lubanga. Un de ces principes est que les victimes doivent être traitées avec justice et équité, indépendamment du fait qu’ils ont participé au procès. Toutefois, la priorité peut être donnée à certaines victimes, qui sont dans une situation vulnérable. Cela signifie que la Cour peut adopter des mesures qui constituent des mesures positives afin de garantir l’accès égal, efficace et en toute sécurité à des réparations, en particulier pour les victimes de violences sexuelles, les personnes qui ont besoin de soins médicaux immédiats, et les enfants traumatisés.

La décision ajoute  « la parité des genres dans tous les aspects de la réparation est un objectif important de la Cour » et reconnait que les victimes de violence sexuelle sont confrontées à des conséquences à long terme qui doivent être prises en compte dans la conception d’un programme de réparations. La réhabilitation et la réinsertion des enfants soldats devraient également être une priorité ainsi que l’adoption d’une approche genre.

Selon la Règle 97 (1) du Règlement de procédure et de preuve : « la Cour peut accorder des réparations sur une base individuelle ou, lorsqu’elle le juge opportun, sur une base collective ou les deux », et les juges ont conclu que la Cour doit s’assurer qu’il existe une approche collective qui garantit que les réparations vont atteindre ces victimes qui sont actuellement non identifiées. Il a été jugé que les réparations individuelles et collectives ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent être cumulées.

Lubanga a été déclaré indigent par la Cour et ne peut donc pas contribuer financièrement à un programme de réparations. Rien n’empêche Lubanga de participer à des réparations symboliques, tels que des excuses publiques, mais ces réparations non pécuniaires ne se feront qu’avec son accord. La Cour n’ordonnera pas de tels actes symboliques.
Les juges ont déclaré qu’à l’avenir, les réparations pour les victimes de Lubanga seront principalement gérées par le Fonds au profit des victimes (FPV) et supervisées par une autre Chambre de première instance de la CPI. Le FPV, qui a été créé par l’Assemblée des États parties à la CPI, a pour mandat de mettre en œuvre les réparations ordonnées par le tribunal et de fournir un soutien physique et psycho-social aux victimes de crimes relevant du Statut de Rome. Il est financé en grande partie par les contributions des États et de donateurs privés.

En outre, la Chambre a recommandé qu’une équipe multidisciplinaire d’experts soit retenue pour fournir une assistance à la Cour dans cinq domaines: (1) évaluation du préjudice subi par les victimes, (2) examen des effets du crime d’utilisation d’enfants dans les conflits armés sur leurs familles et communautés, (3) identification des types les plus appropriées de réparation, (4) l’établissement de la liste des individus ou communautés qui doivent recevoir des réparations, et (5) l’accès aux fonds à des fins de réparation. Les juges ont délégué au FPV la tâche de sélection et de nomination des experts compétents multidisciplinaires, au nombre desquels devraient figurer des représentants de la République démocratique du Congo, des représentants internationaux, ainsi que des autorités sur les questions de l’enfant et du genre.

En ce qui concerne le financement, la Cour est en mesure de puiser dans les ressources logistiques et financières du FPV pour  la mise en œuvre de toute sentence de réparations. Il ne s’agit pas seulement de fonds et avoirs saisis et déposés auprès du FPV, en particulier lorsque la personne condamnée, comme Lubanga, ne possède aucun actif. Les réparations peuvent, au moins potentiellement, être prises en charge par d’autres ressources du FPV pour aider les victimes.
Enfin, les juges ont approuvé le plan d’exécution de cinq étapes proposé par le FPV. Le plan prévoit que le FPV, le Greffe de la CPI, le Bureau du conseil public pour les victimes, et l’équipe d’experts désignés vont d’abord décider des localités impliquées dans les réparations spécifiques à l’affaire Lubanga. Deuxièmement, des consultations devraient avoir lieu dans chaque lieu pertinent. Troisièmement, l’équipe d’experts devrait procéder à une évaluation des dommages lors des consultations. Quatrièmement, les procédures et principes de réparation devraient être expliqués aux communautés par le biais d’une série de débats publics. Enfin, les propositions en provenance de chaque lieu seront ensuite collectées et présentées à la Chambre de première instance chargée de superviser les réparations.
Open Society Justice Initiative continuera de surveiller le processus de réparation dans l’affaire Lubanga tout au long de son évolution

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