Rapports quotidiens

14 April 2011

Déposition de deux témoins de la défense ; le juge fait la leçon à l’Accusation coupable à ses yeux de n’avoir pas maintenu le témoin de la Cour à la Haye

Par Judith Armatta

Pierre Zuto Munji

Ce matin, l’Accusation a conclu le contre-interrogatoire de Pierre Zuto Munji, secrétaire particulier du Commandant Bosco Ntaganda, au procès pour crimes de guerre de Thomas Lubanga Dyilo. Le procureur Manoj Sachdeva est revenu sur la question des plaintes de l’ONU à l’Union des patriotes congolais (UPC) concernant l’utilisation d’enfants soldats dans les Forces pour la Libération du Congo (FPLC). Se référant au procès-verbal de la réunion de l’UPC du 16 juin 2003, il a suggéré qu’il reflète les efforts faits pour envoyer un message aux médias, mais que l’ordre de démobilisation émis en juin n’a jamais été destiné à être mis en œuvre. M. Munji a rejeté cette affirmation.

M. Lubanga est accusé d’avoir commis les crimes de guerre de recrutement, enrôlement et utilisation d’enfants soldats dans des hostilités en République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003. Son procès a débuté le 26 janvier 2009 et est près de se terminer.

M. Sachdeva a laissé entendre que le procès-verbal de la réunion UPC / FPLC du 16 juin 2003 a montré que les informations provenant des FPLC étaient imprécises et non fiables parce qu’elles ont été signées par M. Munji en tant que chef du Département de l’Administration, G-1, alors qu’il n’a été proposé pour ce poste qu’en décembre. Le témoin a expliqué qu’il agissait en cette qualité en juin, après la défection de l’ex-chef du G-1, Floribert Kisembo. Le procureur a souligné que, hier, il a affirmé que M. Kisembo a fait défection en décembre et que c’est en ce moment-là qu’il a été nommé à sa place, ce qui a été prouvé par un document présenté à la Cour. M. Munji a insisté sur le fait qu’il avait bien signé le procès-verbal en tant que chef du G-1 chef en juin 2003. C’est ainsi que s’est conclu le témoignage de M. Munji.

Le témoin 5

Lundi, l’Accusation s’est entretenue avec « Le témoin 5 » puis l’a laissé rentrer chez lui sans lui donner l’occasion de comparaître devant la Cour. L’entretien été autorisé pour permettre à l’Accusation de préparer son contre-interrogatoire. L’avocat de la défense était bien présent lors de l’entretien, mais n’a pas interrogé le témoin, et le témoin n’a pas donné ses renseignements sous serment.

Lorsque M. Sachdeva a tenté de présenter un résumé de quatre pages de « l’interrogatoire du témoin de 5 », le juge président Adrian Fulford a exprimé son mécontentement. Le fait d’avoir un témoin détenant des informations potentiellement très important sur des questions récemment soulevées par la défense, et tendant à saper ses preuves, et ne pas donner l’occasion à la Cour de l’entendre et aux deux parties de l’interroger était tout à fait insupportable à ses yeux.

Les problèmes abordés par « Le témoin 5 » concernaient les forces d’auto-défense et les politiques ou décisions de l’UPC concernant les mineurs. Selon le juge Fulford « Le témoin 5 » était l’équivalent du premier ministre de l’UPC. Selon des observations écrites de l’Accusation, « Le témoin 5 » a discuté de la mesure dans laquelle les groupes d’autodéfense étaient distincts de l’UPC ou y étaient intégrés et, si tel était le cas, quand cela est-il arrivé – questions très pertinentes en ce qui concerne l’accusation selon laquelle  l’UPC de M. Thomas Lubanga a utilisé des enfants de moins de 15 ans comme soldats. L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a fait valoir qu’il ne s’agissait pas de nouvelles questions pour l’Accusation, mais de questions qui ont été abordés tout au long du procès.

M. Sachdeva a tenté d’expliquer que le Greffier était responsable des mouvements du témoin. « On nous a fait comprendre que le témoin a dû retourner le lendemain de l’entretien », dit-il au juge, tout en admettant que l’accusation n’avait pas demandé qu’il reste. Ils en étaient encore à digérer l’entrevue pour déterminer s’il fallait l’appeler en réplique ou même présenter le résumé écrit. Le témoin était prêt à revenir, a ajouté le procureur.

La compréhension du procureur était que l’article 68 du Règlement de procédure et de preuve était applicable. La règle permet l’introduction d’une transcription ou d’un document sur ​​des témoignages hors tribunal où l’Accusation et la défense ont toutes les deux eu l’occasion d’interroger le témoin.

M. Biju-Duval pour la défense a contredit le procureur, en informant les juges que le 7 avril, le greffier a demandé à l’Accusation si elle avait l’intention d’appeler le témoin 5 à la barre afin de déterminer si le témoin devait être maintenu à la disposition de la Cour. M. Sachdeva a convenu que le greffier lui avait posé cette question mais a déclaré que l’Accusation n’avait pas encore décidé si elle allait appeler « Le témoin 5 » ou non. M. Biju-Duval a également soutenu que l’Accusation n’avait pas donné à la défense la possibilité d’interroger le témoin, mais simplement celle d’être présent, argument rejeté par M. Sachdeva.

Le juge Fulford a enjoint à la défense et à l’Accusation de mener des recherches sur la mesure dans laquelle la question de l’intégration des groupes d’autodéfense de l’UPC a été abordée au cours du procès ou si elle est apparue récemment. En outre, le procureur doit déterminer la localisation du témoin et sa disponibilité où cas où il pourrait être appelé à témoigner.

Dernier témoin

La défense a appelé son dernier témoin, un agriculteur et chef d’avenue à Bunia. En tant que chef d’avenue, il est chargé d’assurer la sécurité des personnes et des biens et de signaler tout problème. Alors que la majeure partie de son témoignage a été fait à huis clos, le témoin a déclaré publiquement qu’il a vérifié tous les ménages sur son avenue afin de déterminer si la rumeur sur les enfants soldats était vraie. Se référant à une liste des habitants de sa circonscription qu’il a faite dans le cadre normal de ses fonctions tous les six mois, il a déclaré : « Ils sont de ma circonscription et ils n’ont jamais été des enfants soldats. » La liste à laquelle il s’est référé a été faite en 2007. Il a informé le tribunal qu’il en avait aussi une pour 2006.

Le témoin continue son témoignage demain matin par liaison vidéo.

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