Rapports quotidiens

5 April 2011

Lubanga n’est pas responsable de la prise de Bunia, selon le témoin

Par Judith Armatta

Au cours de la troisième journée du contre-interrogatoire, le témoin de la défense Bede Djokaba Lambi Longa a continué à nier presque toutes les affirmations de l’Accusation selon lesquelles Thomas Lubanga ou l’Union des patriotes congolais (UPC) ont joué un rôle militaire à Bunia, en République démocratique du Congo (RDC) avant septembre 2002. Il a persisté dans ses dénégations face à des documents contradictoires signés par M. Lubanga, y compris celui où M. Lubanga revendique la responsabilité de la prise de contrôle militaire à Bunia le 9 août 2002.

Aujourd’hui, c’est le cinquième jour du témoignage de M. Longa au procès pour crimes de guerre de M. Lubanga accusé de conscription, recrutement et utilisation d’enfants soldats dans les combats dans le district de l’Ituri en RDC en 2002 et 2003.

Faisant remarquer que le ouï-dire est parfois admis dans les procès à la Cour pénale internationale (CPI), le juge Adrian Fulford autorise le procureur à demander à M. Longa ce que lui a été rapporté sur les discussions en Ouganda en juin 2002 entre le groupe de Lubanga et le Rassemblement congolais pour la démocratie – Kisangani – Mouvement de libération (RCD-K-ML). Le procureur Olivia Struyven a suggéré que l’Ouganda voulait réconcilier le RCD-K-ML et l’UPC, mais le témoin n’est pas d’accord. M. Longa a indiqué qu’on lui a dit qu’en Ouganda, le « terrain » n’était pas favorable à un échange. L’Ouganda semblait déjà acquis à la cause du RCD-K-ML. Aucun débat de fond n’a été permis, dit-il. Certains des délégués de l’UPC, dont M. Lubanga, ont été arrêtés et transférés à Kinshasa.

Mme Struyven n’a pas réussi à transpercer la cuirasse de dénégations dont s’était entouré le témoin et été réprimandée par le juge Fulford pour questions répétitives. Le procureur a demandé si le plan pour éliminer le RCD-K-ML s’est poursuivi lorsque Richard Lonema et d’autres sont retournés à Bunia après l’arrestation de leurs compatriotes. Il n’était pas possible de se montrer après leur retour car l’atmosphère était très hostile, a répondu le témoin.

Interrogé sur un camp d’entraînement à Mandro, M. Longa dit qu’il avait entendu dire que les mutins de l’Armée du peuple congolais (APC), l’aile militaire du Rassemblement congolais pour la démocratie – Mouvement de libération (RCD-ML), s’est retirée à Mandro et qu’ils y avaient subi une certaine formation militaire. Ainsi, il a éloigné M. Lubanga et l’UPC des activités militaires, car il avait auparavant nié que M. Lubanga contrôlait les mutins. M. Longa n’a pas pu confirmer si des armes ont été larguées à Mandro par des avions venant du Rwanda parce que selon lui, il était à Bunia à ce moment-là.

Mme Struyven a ensuite posé des questions sur la détention de M. Lubanga. Quelque temps après son arrestation et sa détention dans une structure de la DEMIAP (Détection militaire des Activités anti-patrie), M. Lubanga a été transféré au Grand Hôtel de Kinshasa où il a été placé en résidence surveillée. Bien que M. Longa ait admis que l’hôtel était luxueux, il a plus tard reconnu que c’était aussi un donjon où les gens étaient très étroitement surveillés par l’Unité de la DEMIAP. Il n’était pas au courant d’une conférence de presse que M. Lubanga aurait tenue à cette époque car il y avait peu de communication entre Kinshasa et Bunia.

Même s’il a convenu avec Mme Struyven qu’il y avait un magasin à Bunia où l’on pouvait payer pour utiliser un téléphone satellite, c’était tout de même trop coûteux pour la plupart des gens. Il n’a eu aucune communication avec M. Lubanga pendant cette période, et aucune personne avec qui il a passé du temps n’a eu de communication avec ce dernier.

M. Longa a également nié que Richard Lonema ait été le président par intérim alors que M. Lubanga était en détention à Kinshasa. S’il a détenu un quelconque pouvoir, a déclaré le témoin, c’est un pouvoir qu’il s’est lui-même arrogé. Et M. Lubanga n’avait non plus rien à voir avec le coup d’État militaire de Bunia le 9 août 2002. Ceux qui s’étaient déjà mutinés dans l’APC sont responsables, a-t-il dit. Le procureur montre à M. Longa un document daté du 11 août 2002, et signé par M. Lubanga, dans lequel lui et ses gens s’attribuent le crédit pour la prise de Bunia. M. Longa répond que plusieurs personnes ont essayé de revendiquer la paternité de la victoire militaire dans le but de s’imposer au gouvernement comme des interlocuteurs crédibles. Cela ne veut pas dire M. Lubanga était en fait responsable.

Mme Struyven a présenté au témoin un autre document signé par M. Lubanga en septembre 2002, dans lequel il affirme que l’UPC-RP (Union des patriotes congolais / réconciliation et de paix) – nom adopté par le groupe à l’époque – avait pris les armes pour repousser toutes les forces qui ont contribué à la destruction de l’Ituri et du Congo, et que l’UPC-RP avait mis fin au RCD-K-ML. M. Longa a convenu que c’était l’un des objectifs de l’UPC-RP en septembre 2002, moment où l’UPC a commencé à structurer une armée et à s’impliquer dans la lutte contre les « ennemis de la paix. »

Le reste de l’interrogatoire du mardi était le fait du procureur Ade Omofade. Les questions ont explorées les événements entre mars et mai 2003, lorsque l’UPC et la Force patriotique pour la libération du Congo (FPLC) ont été chassées de Bunia, mais plus tard, sont revenues par la force des armes.

Le procès reprend demain matin pour la poursuite du contre-interrogatoire de M. Longa. Compte tenu de la longueur inattendue de son témoignage, le calendrier des témoins devra être ajusté, a déclaré la défense.

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