Analyse juridique Rapports du proces

8 Décembre 2010

Le procureur soutient que les notes de l’enquêteur ne doivent pas faire l’objet de divulgation

Par Judith Armatta

Les renseignements sur l’identité que l’Accusation est tenue de communiquer à la défense ont constitué un sujet de discorde entre les parties avant même le début du procès en janvier 2009. Plus récemment, le refus de l’Accusation de divulguer l’identité d’un intermédiaire qu’elle a utilisé pour entrer en contact avec des enfants soldats a conduit la Chambre de première instance à suspendre le procès de Thomas Lubanga en juillet dernier et à rendre une ordonnance de remise en liberté. Le procès a repris lorsque la Chambre d’appel a infirmé la décision.

M. Lubanga est en procès à la Cour pénale internationale (CPI) pour le recrutement, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats pendant le conflit de 2002-2003 en République démocratique du Congo (RDC). Les derniers mois du procès ont porté sur les allégations de la défense concernant l’abus de procédure par l’Accusation, après la rétractation d’un témoin qui a accusé les intermédiaires du procureur de l’avoir coaché et soudoyé pour lui faire faire un faux témoignage.

Le 5 novembre 2010, la Chambre de première instance a demandé pourquoi l’Accusation avait expurgé un paragraphe particulier de la note interne d’un enquêteur, lorsque celle-ci a été révélée à la défense. Le paragraphe en question portait sur « l’évaluation simultanée de deux enquêteurs qui remettaient en question la crédibilité d’une personne et son désir d’aider l’Accusation car la personne a omis de fournir certains documents – prétextant qu’il s’agissait de ‘produit du travail interne’ », comme l’a noté le Procureur général Luis Moreno-Ocampo dans une communication écrite en date du 17 novembre 2010. Les enquêteurs ont changé d’avis après une enquête approfondie et la présentation des documents par le témoin. Ayant déterminé qu’il était crédible, l’Accusation l’a alors appelé comme témoin.

La défense a demandé l’accès à l’évaluation faite par les enquêteurs plus tôt. En fin de compte, l’Accusation a communiqué le document, mais pas avant la déposition du témoin. La défense s’y est opposée, laissant entendre que l’Accusation a été coupable de malversations. L’accusation a répliqué que l’information était « produit du travail » et non soumise à divulgation.

La Chambre de première instance a ordonné à l’Accusation d’expliquer les principes et l’approche de la divulgation qu’il a adoptés pour permettre aux juges de déterminer si elle a agi de manière appropriée en matière de divulgation. La communication du 17 novembre constituait la réponse de l’Accusation.

Le Statut de Rome de la CPI définit les obligations de l’Accusation en matière de divulgation. En vertu de l’article 67 (2) du Statut, «  le Procureur communique à la défense, dès que cela est possible, les éléments de preuve en sa possession ou à sa disposition dont il estime qu’ils disculpent l’accusé ou tendent à le disculper ou à atténuer sa culpabilité, ou sont de nature à entamer la crédibilité des éléments de preuve à charge ».  En outre, l’article 77 de la CPI et les décisions de justice s’étendent encore plus sur cette obligation de l’Accusation, exigeant la divulgation d’éléments nécessaires à la préparation de la défense, destinés à être utilisés comme preuve par l’Accusation, ou obtenus de l’accusé ou lui appartenant.

Le Règlement de procédure et de preuve a également défini à quel moment la divulgation n’est pas requise. La règle 81 stipule que « les rapports, mémoires et autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la mise en état de l’affaire n’ont pas à être communiqués ».  Ils sont généralement connus sous le nom de « produit du travail ».

Dans sa plaidoirie, M. Ocampo a reproché aux avocats de la défense de n’avoir pas présenté leur défense basée sur l’abus de procédure en temps opportun, de manière sincère et logique. Qualifiant cette défense « de phénomène en évolution constante » et d’« expédition de pêche de grande envergure», le Procureur a informé la Chambre que les avocats de la défense avait refusé de coopérer ou de fournir les informations nécessaires pour rechercher dans son matériel  l’information qu’ils avaient demandée.

L’Accusation a ensuite exposé ses principes et son approche de la divulgation, comme prescrit par la Chambre. « Le Bureau du Procureur a élaboré des directives internes sur l’examen des preuves et la divulgation qui visent à englober les principes de diligence, d’efficacité et de transparence ». Des preuves disculpatoires et incriminantes, des éléments nécessaires à la préparation de la défense, et les renseignements obtenus à partir de l’accusé ou lui appartenant sont soumis à la divulgation en vertu des directives de la Division des poursuites.

Cependant, la divulgation est également soumise à des restrictions, a souligné M. Ocampo, par exemple, quand elle constitue le produit du travail d’une partie ou lorsque la divulgation pourrait nuire à un témoin ou à sa famille. Lorsque certaines, mais pas toutes les informations contenues dans un document sont soumises à divulgation, l’Accusation expurge (supprime ou masque) la partie non soumise à divulgation.

Se montrant irritée par ce qu’elle considère comme les conceptions très élastiques de la Chambre de première instance en matière d’éléments soumis à divulgation, l’Accusation a cité les propres décisions de la Chambre concernant ce qu’englobe le terme « produit de travail », y compris « l’évaluation interne de divers individus et processus de travail […] relève clairement du matériel non soumis à divulgation ». Un autre avis a expressément identifié les conclusions et recommandations formulées par les enquêteurs de l’Accusation, comme relevant de l’exception du produit du travail.

Conclusion du Procureur : « Rien dans le paragraphe remis en question par la Chambre ne peut être correctement interprété comme relevant de l’article 67 (2) [du Statut de Rome] ou l’article 77 ou même d’une ordonnance de la Chambre, et n’a été toujours couvert par l’interdiction de la divulgation forcée par la règle 81 (1) ».

Ni la défense ni la Chambre n’ont répondu à la plaidoirie du procureur. La Chambre a fixé le 10 décembre comme date limite pour que la défense dépose sa demande de rejet de classement sans suite de l’affaire pour abus de procédure dont s’est rendue coupable l’Accusation. Il n’y a pas d’audience cette semaine et le procès reprendra le lundi, 13 décembre  2010.

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2 commentaires

  1. a l ituri il existe pas une usine des fabrication des armees il faut interpelles les plus haut responsable et leurs demandes …

    Commentaire par andama atayo clement — 31 Décembre 2010 @ 13:59

  2. […] « produit du travail » non soumis à la divulgation en vertu des règles de la CPI. (Voir article Le procureur soutient que les notes de l’enquêteur ne doivent pas faire l’objet de divulgation, en date du 8 décembre […]

    Pingback par La Chambre clarifie les règles en matière de divulgation « Le procès de Lubanga devant la Cour pénale internationale — 14 Février 2011 @ 16:06