Résumé hebdomadaire

26 Novembre 2010

L’enquêteur et l’enfant-soldat rejettent l’accusation de faux témoignage

Par Judith Armatta

Un enquêteur du Bureau du Procureur (BdP) de la Cour pénale internationale (CPI) et un présumé ancien enfant-soldat ont témoigné cette semaine au sujet de leurs relations avec l’« intermédiaire 316 ».

L’enquêteur, Nicolas Sebire, également connu sous le nom de témoin 583, est accusé par la défense d’avoir coaché et soudoyé des gens pour leur faire faire un faux témoignage selon lequel ils étaient des enfants soldats de l’Union des patriotes congolais (UPC) dirigée par Thomas Lubango Dyilo. Dans un témoignage antérieur, l’intermédiaire 316 a nié les allégations de la défense.

Lubanga est jugé pour la conscription, le recrutement et l’utilisation d’enfants-soldats pendant le conflit de 2000-2002 en République démocratique du Congo. Actuellement, la Chambre préliminaire I procède à l’audition des témoignages sur l’abus de procédure découlant de la rétractation dramatique du témoin 15, présenté par l’accusation comme un ancien enfant-soldat, qui a déclaré avoir menti après avoir été coaché par l’intermédiaire 316 qui dépensait de l’argent sur lui.

Sebire a déclaré que le BdP a été contraint d’utiliser des intermédiaires pour entrer en contact avec des témoins potentiels en raison de restrictions sur les mouvements de la CPI dans le pays. L’intermédiaire 316 a eu une importance cruciale pour les efforts du BdP en raison de ses contacts dans l’UPC. Il a présenté les enquêteurs aux témoins 35 et 38, des présumés anciens enfants-soldats qui ont témoigné pour l’Accusation.

L’ancien enquêteur du BdP a témoigné qu’il a travaillé avec l’intermédiaire 316 pendant deux ans et l’a trouvé crédible. Lorsque l’avocat de la défense a fait mention d’un courriel de mai 2006 de M. Sebire à son équipe d’enquête, affirmant qu’il était difficile de justifier les sommes versées à l’intermédiaire 316 et que certains des renseignements qu’il a fournis étaient « bizarres », Sebire a insisté sur le fait que ces paroles n’avaient pas de lien avec la fiabilité de l’intermédiaire. Il était normal de soumettre ces renseignements à une contre-vérification.

« Bizarre » signifiait « surprenant » et non « suspect », selon lui. Cela ne signifie pas que l’information était mauvaise. Une décision visant à limiter l’accès de l’intermédiaire 316 aux gens de la CPI a été prise pour assurer un point de contact centralisé suite à l’utilisation de cet intermédiaire par d’autres employés de la CPI qui ont entravé son enquête, a expliqué Sébire.

Après avoir présenté le Bureau du Procureur au témoin 35, un commandant de l’UPC, l’intermédiaire 316 a facilité son voyage à Kampala, en Ouganda pour des entretiens, selon Sebire. Il y a eu un incident, examiné en détail à huis clos, où le témoin 35 s’est plaint de ce que l’intermédiaire 316 a pris une partie des fonds alloués par le BdP au témoin 35 pour les frais d’hôtel et de nourriture. L’intermédiaire 316 aurait agi de la sorte parce que le témoin a utilisé les paiements qui lui sont versés à d’autres fins. Bien que Sebire n’ait pas pu aller à l’hôtel pour confirmer cela, il a trouvé l’intermédiaire crédible.

L’avocat de la défense Jean-Marie Biju-Duval a fait mention d’une autre allégation du témoin 35 selon qui l’intermédiaire 316 a promis que le BdP achèterait tous les produits dont il avait besoin. Au cours de son entretien ultérieur avec le témoin 35, Sebire obtenu son accord écrit sur le fait que le BdP ne lui avait fait aucune promesse.

L’avocat de la défense a cherché à démontrer que le témoin 35 était un escroc et non l’agent UPC qu’il prétendait être. Comme il n’avait pas la possibilité d’examiner les transcriptions de ses entretiens avec le témoin 35, Sebire ne pouvait se rappeler les erreurs que le témoin 35 aurait commises, comme par exemple le fait de ne pas connaître le nom de la branche militaire de l’UPC ou de son commandant. En conséquence, le contre-interrogatoire sur ces points a produit peu de preuves assez utiles pour que la Chambre les prenne en considération. M. Sebire a bien convenu qu’il n’était pas impressionné par la manière dont le témoin 35 a raconté son histoire, bien qu’il n’ait pas nécessairement remis en question ses déclarations factuelles.

Au cours de la semaine du 15 au 19 novembre 2010, la déclaration sous serment du témoin 582, un enquêteur du BdP, a été faite à huis clos.

Le procureur Manoj Sachdeva a parcouru avec le témoin 38, un autre présumé enfant-soldat, la liste de ses contacts avec l’intermédiaire 316, qui a facilité les contacts avec le BdP et s’est occupé  des documents et des préparatifs de voyage.

De temps en temps, l’intermédiaire 316 l’appelait pour voir comment il s’est tirait. Après que les enquêteurs lui aient remis un téléphone mobile pour communiquer directement avec eux, le témoin 38 a rarement été en contact avec l’intermédiaire 316. Le témoin a déclaré qu’à aucun moment il n’a discuté avec l’« intermédiaire 316 » de la substance de ses entretiens avec les enquêteurs du BdP.

En avril 2007, la CPI l’a emmené à Kinshasa pour raison de sécurité après qu’il ait reçu de nombreux appels téléphoniques menaçants à cause de sa coopération avec la CPI.

L’avocat de la défense Marc Desalliers a interrogé le témoin 38 sur les sommes qu’il a reçues de la CPI. Le tribunal a payé son hébergement et les frais médicaux plus un an de frais de scolarité, a-t-il répondu. En outre, on lui a donné de l’argent pour acheter de la nourriture et il a signé un reçu en échange de cet argent.

A l’issue de l’interrogatoire direct, le procureur a conduit le témoin 38 à travers une série de questions directes pour savoir si l’intermédiaire 316 lui a demandé de fournir une version particulière ou lui a donné ou promis une récompense pour ce qu’il allait dire ou a conclu un accord avec lui pour raconter des histoires fausses à la CPI. Le témoin a catégoriquement déclaré qu’il n’avait pas agi ainsi.

« J’ai seulement dit ce que je savais ou avais fait. Je n’ai rien exagéré, rien omis. C’est une question de moralité, de normes éthiques. Je suis d’une famille chrétienne. . . . Le mensonge est un péché. Je préfère avoir des problèmes avec moi-même que des problèmes avec la morale »

Cette semaine, la Chambre a également rejeté la demande par la défense de temps additionnel pour déposer une demande de classement de l’affaire sans suite pour abus de procédure. Le témoignage supplémentaire du témoin 598 « n’ajoutera pas de manière significative à des questions déjà connues par la défense », a déclaré le  juge président Adrian Fulford.
L’Accusation a demandé que le témoin 598 soit remplacé par le témoin 555, qui devait témoigner au sujet du prétendu climat de peur et d’intimidation qui régnait à Bunia parmi les gens soupçonnés de coopération avec la CPI. Le témoin 555 a par la suite refusé de témoigner.

Les conclusions écrites de la défense doivent être présentées le 10 décembre 2010. L’Accusation a jusqu’au 31 janvier 2011 pour répondre et l’avocat des victimes doit, si elles le désirent, déposer aussi ses conclusions à cette date. La Chambre a donné aux procureurs un temps  plus long en raison du grand nombre de questions de fait qu’ils doivent régler.

La Chambre va commencer à entendre la déposition du témoin 598 à 14.00 heures le mercredi, 1er décembre 2010.

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