Rapports du proces

7 Octobre 2010

Libérer ou ne pas libérer Lubanga: verdict demain

Par Wairagala Wakabi

Libérer ou ne pas libérer Thomas Lubanga, voila la grande question sur laquelle les juges d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) devront se prononcer demain.

En détention à la CPI depuis mars 2006, l’ancien vendeur de légumes ensuite devenu rebelle aujourd’hui âgé de 49 ans a eu il y a deux ans le même espoir d’être libéré. A la veille de l’ouverture de son procès en 2008, les juges de première instance avaient ordonné sa remise en liberté après que l’accusation a omis de lui révéler des éléments de preuve potentiellement disculpatoire.

Les juges d’appel ont infirmé cette ordonnance de remise en liberté, et en janvier de l’année dernière son procès a débuté, devenant ainsi le premier à être mené par la Cour fondée en 2002.

Deux ans après le rejet de la première ordonnance de remise en liberté sans conditions, il semble que l’on en est revenu au point de départ pour M. Lubanga, et encore une fois, il attend le verdict des juges d’appel sur sa remise en liberté.

Comme la fois précédente, les juges de première instance ont déclaré qu’il y a eu abus de procédure de la part de l’Accusation, ce qui rend impossible la conduite d’un procès équitable pour M. Lubanga. Cette fois-ci,  les juges de première instance ont ordonné sa remise en liberté 15 juillet 2010, mais sur appel du Procureur Luis Moreno-Ocampo, cet arrêt a été suspendu en attendant le verdict de demain.

Bien que pouvant demain être l’objet de beaucoup d’attention de diverses parties du monde, M. Lubanga n’est pas un homme qui a toujours été sous le feu des projecteurs. Alors que les combats faisaient rage autour de sa ville natale de Bunia au Congo, dans les années d’avant 2000, le diplômé en psychologie de l’Université de Kisangani au Congo a continué à vaquer à ses affaires comme vendeur de haricots sur le marché local.

C’était un commerçant bien connu et aimé de tous qui, selon beaucoup de gens qui l’ont connu, ne faisait pas valoir ses diplômes universitaires dans ses contacts avec les commerçants pour la plupart semi-analphabètes du marché de Bunia.

Cette vertu va par la suite contribuer à le faire porter à la tête d’une milice formée pour protéger sa communauté ethnique Hema contre des voisins hostiles. La communauté – dont les milices ont été formés par des soldats ougandais à l’intérieur du Congo et en Ouganda – avait besoin d’une personne éduquée et éloquente à sa tête. L’humble vendeur de haricots a été choisi comme l’homme idéal pour le travail, d’abord comme porte-parole, et peu de temps après comme de l’Union des patriotes congolais (UPC).

Au début, la milice de l’UPC avait assuré la protection de la terre des Hema, mais ensuite, selon les procureurs, elle s’est transformée en une machine à tuer, massacrant systématiquement les membres de la communauté ethnique Lendu, violant les femmes et les filles, enrôlant de force les enfants, et pillant leurs villages.

La première question que les juges de première instance ont eu à affronter entre janvier 2009 et juillet 2010 lorsqu’ils ont entendu l’affaire Lubanga c’est celle de savoir s’il portait la responsabilité du recrutement, de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans. Certains témoins ont dit qu’il l’a fait; d’autres ont déclaré qu’il était une figure de proue politique dont les attributions ne couvraient pas les questions militaires.

Toutefois, ce ne sera pas la question sur laquelle les juges d’appel vont se prononcer demain. Il s’agira plutôt de savoir si, à la lumière de l’abus de procédure qui a incité les juges de première instance à suspendre l’instance, un procès équitable pour M. Lubanga pourrait encore être possible.

Les espoirs de M. Lubanga pour ce qui est de recouvrer la liberté ne devront pas nécessairement reposer entièrement sur l’arrêt de demain. Si la cour d’appel permet la poursuite du procès, il est possible que seulement quelques semaines après la reprise de la procédure, la défense demande aux juges de première instance de prononcer un non-lieu au motif que les agents des enquêteurs de l’Accusation ont falsifié des preuves et coaché des témoins.

Pourtant, M. Lubanga espérera probablement que demain les juges lui permettront de retrouver femme et ses six enfants à Bunia – quatre ans et demi après avoir été transféré à La Haye.

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