Rapports du proces

3 August 2010

Selon le procureur la décision de suspendre le procès de Lubanga était erronée et excessive

Par Wairagala Wakabi

Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo affirme dans un appel que la décision prise par les juges de première instance de suspendre le procès pour crimes de guerre de Thomas Lubanga était erronée et excessive.

Tout en contestant les motifs sur lesquels les juges ont fondé leur décision, le procureur affirme également dans des observations déposées le 30 juillet 2010 que les juges de première instance auraient dû envisager de sanctionner les procureurs plutôt que d’ordonner un arrêt des procédures.

Le 8 juillet 2010, les juges du procès ont ordonné la suspension du procès en raison de l’abus de procédure judiciaire qui, selon eux, tirait son origine du refus par les procureurs de divulguer l’identité d’une personne qui les a aidés à rassembler leurs témoins. Les juges ont déclaré que le refus de divulguer l’identité de cet individu, que la Court désigne par le nom d’’intermédiaire 143’, a fait qu’il était impossible de garantir un procès équitable pour M. Lubanga.

Par la suite, le 14 juillet 2010 les juges de première instance ont ordonné la remise en liberté de M. Lubanga, en précisant qu’il ne pouvait pas être maintenu en détention préventive sur la base de spéculations selon lesquelles la procédure pourrait reprendre à un certain moment dans l’avenir. Les juges de la Chambre d’appel ont depuis décidé que M. Lubanga doit rester en détention à la CPI jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur appel de l’accusation. Les procureurs font appel à la fois de la suspension du procès et de la décision de remise en liberté.

Qualifiant l’arrêt des procédures d’« excessive et disproportionnée », M. Moreno-Ocampo affirme que « La Chambre a également commis une erreur en omettant d’accorder des réparations proportionnées face à ce qu’elle appelle des erreurs d’approche et de jugement de l’accusation ».

Selon lui, « La Chambre avait à sa disposition une gamme de mesures alternatives qui ne porteraient pas atteinte de manière radicale et définitive à la poursuite de la procédure de première instance, mesures qui ont un impact sur les droits non seulement de l’accusation, mais aussi des victimes et des communautés où les crimes ont été commis. »

M. Lubanga est jugé pour le recrutement, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants soldats dans des combats interethniques en 2002 et 2003. Selon les procureurs de la CPI, ces crimes ont été commis dans la province d’Ituri en République démocratique du Congo (RDC), alors que M. Lubanga dirigeait le groupe rebelle Union des patriotes congolais.

M. Moreno-Ocampo affirme que l’article 71 de la loi qui a créé la CPI prévoit que le non-respect d’une ordonnance de la Court doit avoir pour conséquence une ‘sanction pour faute lourde’. Il note que si les juges du procès ont bien émis un avertissement formel au Procureur et au Procureur adjoint en conformité avec cette disposition, ils ont aussi ordonné une suspension du procès.

Dans le document de 39 pages, qui expose les arguments d’appel de l’accusation, M. Moreno-Ocampo suggère que les juges de première instance auraient pu suspendre le procès pour une ou deux semaines pour permettre la mise en place de mesures de protection pour ‘l’intermédiaire de 143’ avant la divulgation de son identité.

En refusant d’appliquer les directives des juges, le personnel de l’accusation a fait valoir que la révélation de  l’identité de l’intermédiaire avant la mise en place de mesures de protection pour lui aurait mis sa vie en danger. L’intermédiaire est basé en RDC.

« L’accusation cherchera à démontrer qu’il ne lui a pas été donné l’occasion de présenter son point de vue avant l’adoption de changements dans les mesures de protection de ‘l’intermédiaire 143’ et que son insistance à présenter ses vues par la suite a été considérée à tort comme un outrage à l’autorité de la Cour », selon le document.

M. Moreno-Ocampo souligne également que les juges du procès n’ont pas sérieusement testé la disponibilité ou l’efficacité des mesures qui auraient permis la poursuite du procès alors même que des dispositions étaient prises pour la divulgation de l’identité de l’intermédiaire. « Par exemple, la chambre n’a pas exploré en profondeur sa proposition initiale de procéder au  contre-interrogatoire de la défense et de reporter à une date ultérieure les questions qui exigeaient que la défense connaissent l’identité de ‘l’intermédiaire 143’ », soutient-il.

La défense de M. Lubanga doit déposer sa réponse au document du procureur énonçant ses arguments pour l’appel. Bien que les juges soient en vacances judiciaires, ils ont, au cours des deux dernières semaines, émis un certain nombre de décisions, indiquant que l’appel pourrait être tranché dans un court laps de temps.

M. Lubanga est en détention à la CPI depuis mars 2006. Son procès a commencé le 26 janvier 2009, alors que la plaidoirie de la défense a débuté le 27 janvier 2010.

Vendredi dernier, l’accusation a demandé aux juges de permettre que l’affaire soit entendue en Cour. Tout en notant que la Chambre d’appel n’avait jamais accepté d’échanges d’arguments à l’audience dans un appel interlocutoire, l’accusation a fait valoir qu’étant donné l’importance de l’affaire et la complexité des questions, une plaidoirie serait appropriée dans l’appel en cours. Les juges n’ont pas encore rendu de décision sur cette requête.

Les juges qui traitent de l’appel sont les juges Sang-Hyun Song, Erkki Kourula, Anita Ušacka, Daniel David Ntanda Nsereko, et Sanji Monageng Mmasenono.

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