Résumé hebdomadaire

30 Janvier 2009

Procès de Lubanga, semaine 1 : les procureurs se heurtent à des obstacles

Par Rachel Irwin

Le très attendu procès du chef de milice congolais Thomas Lubanga, le premier inculpé de l’histoire de la Cour pénale internationale à La Haye, a connu des débuts difficiles cette semaine.

Après deux jours d’exposés introductifs énergiques de l’accusation et de la défense, la tâche des procureurs s’est singulièrement compliquée lorsque leur premier témoin, un ex-enfant soldat, a affirmé avoir menti.

S’adressant à la Cour, ce dernier a déclaré : « ce que j’ai dit auparavant, ce n’est pas ce que je voulais dire ». Il a laissé entendre qu’un groupe d’aide humanitaire lui avait indiqué les propos à tenir.

« Je ne vous demande pas ce que le (groupe d’aide) vous a dit », a répondu le procureur adjoint Fatou Bensouda. « Avez-vous pris part au camp d’entraînement ? »

« Non », a rétorqué le témoin.

Adrian Fulford, le juge président, a alors invité le témoin à confirmer si sa première déposition était exacte.

« Ce n’est pas la vérité », a-t-il répondu avant d’être jugé inapte à continuer.

La défense s’est plainte de la situation, alléguant que le jeune homme devait être autorisé à témoigner puisque son volte-face pourrait profiter à Lubanga.

Ce début de procès chaotique fait suite à d’innombrables longs retards qui ont entravé le procès.

Lubanga est jugé pour les accusations de conscription et d’utilisation d’enfants soldats au sein de sa milice en 2002 et 2003 afin de livrer combat en Ituri, une région instable de la République démocratique du Congo.

Censé débuter en juin 2008, le procès a été suspendu à cause de problèmes liés à la divulgation d’éléments de preuve. Lubanga est incarcéré à La Haye depuis son arrestation en 2006.

Il a plaidé non coupable pour les charges concernant les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), la milice prétendument sous son contrôle. Cette dernière était la branche armée du mouvement politique de Lubanga, l’Union des patriotes congolais (UPC).

Dans son discours inaugural, Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la CPI, a affirmé que son équipe prouverait que Lubanga a « commis certains crimes parmi les plus odieux aux yeux de l’ensemble de la communauté internationale : des crimes contre les enfants ».

Selon le procureur, les enfants enrôlés dans la milice Hema de Lubanga se sont vus ordonner et contraints de violer et d’assassiner des civils de l’ethnie Lendu, sous peine de mort.

Moreno-Ocampo a également évoqué la question des jeunes filles soldats, violées et réduites à la condition d’esclaves sexuelles par la milice, précisant que les filles étaient également utilisées comme combattantes et aides domestiques dans les camps militaires de Lubanga.

Par ailleurs, les déclarations d’ouverture des représentants des victimes ont également mis l’accent sur les violences sexuelles, bien que Lubanga ne doive pas répondre de telles charges. Cette démarche a suscité des critiques cinglantes de la part des avocats de Lubanga.

La Défense a reproché à l’Accusation de faire de Lubanga un bouc-émissaire à la place d’autres qui portent « les plus lourdes responsabilités » pour les crimes commis et qui devraient être sanctionnés.

Jean-Marie Biju-Duval, l’un des avocats de Lubanga, a déclaré : « Thomas Lubanga est accusé à la place de ceux qui auraient dû être poursuivis ».

Selon lui, il s’agit plus précisément de l’ancien chef d’état-major de la milice de Lubanga, Floribert Kisembo, actuellement officier dans l’armée congolaise.

Les autorités rwandaises et ougandaises, qui ont fourni des armes et soutenu divers groupes de miliciens en RDC, sont tout autant coupables, a-t-il encore ajouté.

« La CPI ne peut poursuivre tous les suspects, mais doit résister à la tentation de condamner Lubanga par procuration ».

À Bunia, capitale de l’Ituri (RDC), une foule hostile s’est rassemblée lundi pour assister à la diffusion du premier jour du procès, à l’initiative de la CPI.

Un grand écran a été installé dans une salle du centre-ville, mais la situation a dégénéré lorsque plus de 400 résidents et défenseurs de Lubanga, essentiellement de l’ethnie Hema, ont voulu s’entasser dans un endroit ne pouvant accueillir qu’une centaine de personnes maximum.

La colère a gagné ceux restés à l’extérieur, vociférant des insultes. L’ambiance n’était guère plus agréable à l’intérieur, la foule accablant le tribunal et le Procureur de reproches. La retransmission a finalement été suspendue.

Bien que le premier témoin de l’accusation ait été destitué, l’incident a une nouvelle fois soulevé la question de la protection des témoins. Bensouda a indiqué à la Cour que le deuxième témoin, parent du premier, a peut-être été intimidé.

Le juge Fulford a dès lors demandé un rapport de l’accusation ainsi que de la Division d’aide aux victimes et aux témoins sur les risques auxquels sont exposés les témoins de la CPI susceptibles de rentrer en RDC, dont d’éventuelles poursuites criminelles par les autorités locales.

Vendredi, l’accusation était toutefois de nouveau sur les rails, présentant à la Cour un ex-soldat de la milice de Lubanga. Celui-ci a déclaré avoir contribué à l’entraînement d’enfants soldats et les avoir vu perdre la vie au combat.

Le témoignage se poursuivra lundi.

Rachel Irwin est reporter auprès de l’IWPR à La Haye. Compte-rendu complémentaire de Richard Pituwa à Bunia.

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